Droit des fausses informations (Fake news)

Un principe de liberté

Chacun est libre de diffuser des informations, de s’exprimer même de façon erronée, ou mensongère.

L’erreur ou le mensonge ne sont pas réprimés de manière générale par la loi.

Selon la Cour de cassation, la liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi et que les propos, fussent-ils mensongers, n’entrent dans aucun de ces cas (Civ. 1ère, 10 avril 2013, n° de pourvoi : 12-10177).

Néanmoins, la liberté s’arrête là où commence celle des autres, à commencer par celle de demander réparation du préjudice causé par celui qui abuse de sa liberté.

 

Limites

Dans certains cas spécifiés par la loi, la fausse information ou le mensonge, peuvent être réprimés :

– Lutte des plateformes en ligne contre les fausses informations (Article 11 à 15 de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information)

– Le délit de fausse information « électorale » (Article L. 163-2 du Code électoral)

– Le délit de fausse nouvelle « électorale » (Article L 97 du code électoral)

– Le délit de fausse nouvelle (Article 27 de la loi de 1881)

– Le délit de fausse alerte (Article 322-14 du code pénal)

– La diffamation (Article 29 de la loi de 1881)

– Le dénigrement (article 1240 du code civil)

– La publicité trompeuse (Code de la consommation)

  

 

Lutte des plateformes contre les fausses informations

La loi du 22 décembre 2018 sur la manipulation de l’information a créé un devoir de coopération à la charge des plateformes en ligne en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations.

Selon l’article 11 de la loi du 22 décembre 2018 sur la manipulation de l’information :

Les plateformes en ligne doivent :

1/Mettre en œuvre des mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité des scrutins électoraux (les principaux).

Le Conseil constitutionnel a interprété de façon stricte cet article, et par voie de conséquence la définition même des « Fake news ».

Dans sa décision du 21 novembre 2018, il considère que cet article ne concerne que les fausses informations qui visent « des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait telles que définies au paragraphe 21. »

Selon le paragraphe 21 de sa décision :

« 21. En quatrième lieu, le législateur a strictement délimité les informations pouvant faire l’objet de la procédure de référé contestée. D’une part, cette procédure ne peut viser que des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir. Ces allégations ou imputations ne recouvrent ni les opinions, ni les parodies, ni les inexactitudes partielles ou les simples exagérations. Elles sont celles dont il est possible de démontrer la fausseté de manière objective. D’autre part, seule la diffusion de telles allégations ou imputations répondant à trois conditions cumulatives peut être mise en cause : elle doit être artificielle ou automatisée, massive et délibérée. »

Les fausses informations visées par l’article 11 de la loi de 2018 sont par conséquent soumises à de nombreuses conditions cumulatives :

  • Trouble à l’ordre public ou au suffrage
  • Une information objectivement fausse
  • Diffusée de manière artificielle ou automatisée, de manière massive et délibérée

Sur le fondement de la loi de 2018, le Président du Tribunal de Paris, statuant en référé, a jugé que ne constituait pas une fausse information un contenu qui ne remplissait pas ces conditions :

« (…) L’information n’étant pas dénuée de tout lien avec des faits réels, la condition selon laquelle l’allégation doit être manifestement inexacte ou trompeuse n’est pas remplie.

En deuxième lieu, et au-delà de ces considérations relatives au contenu de l’information diffusée, l’article L.163-2 du code électoral fixe encore des critères tenant à l’ampleur et aux modalités de diffusion, laquelle diffusion doit être cumulativement massive, artificielle ou automatisée, et délibérée, et opérer sur un service de communication au public en ligne.

En particulier, le caractère artificiel ou automatisé de la diffusion renvoie, selon les travaux parlementaires, et notamment l’exposé des motifs de la proposition de loi ayant abouti à l’adoption de l’article L.163-2 du code électoral, aux contenus sponsorisés – par le paiement de tiers chargés d’étendre artificiellement la diffusion de l’information – et aux contenus promus au moyen d’outils automatisés – par le recours à des “bots”. »

(Ordonnance de référé, Tribunal judiciaire de Paris, 17 mai 2019)

 

2/ Mettre en place un dispositif de signalement des fakenews

Ce dispositif doit être facilement accessible et visible.

 

3/ Mettre en œuvre des mesures complémentaires pouvant notamment porter sur :

1° La transparence de leurs algorithmes ;

2° La promotion des contenus issus d’entreprises et d’agences de presse et de services de communication audiovisuelle ;

3° La lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations

4° L’information des utilisateurs sur l’identité de la personne physique ou la raison sociale, le siège social et l’objet social des personnes morales leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;

5° L’information des utilisateurs sur la nature, l’origine et les modalités de diffusion des contenus ;

6° L’éducation aux médias et à l’information.

Ces mesures, ainsi que les moyens qu’elles y consacrent doivent être rendus publics.

Chaque plateforme doit adresser chaque année à l’ARCOM une déclaration dans laquelle sont précisées les modalités de mise en œuvre de ces mesures.

 

L’article 12 de la loi de 2018 prévoit que l’ARCOM doit contribuer à la lutte contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou de porter atteinte à la sincérité des principaux scrutins. (Article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986).

L’article 13 de la loi de 2018 prévoit que les plateformes en ligne doivent désigner un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent sur le territoire français pour l’application de ces dispositions de la loi de 2018 et le concours contre les infractions de haine en ligne (article 6.I.7 alinéa 3 de loi LCEN).

L’article 14 de la loi de 2018 prévoit que les plateformes qui recourent à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général doivent publier des statistiques agrégées sur leur fonctionnement.

L’article 15 de la loi de 2018 prévoit que les plateformes peuvent conclure des accords de coopération relatifs à la lutte contre la diffusion de fausses informations avec les agences de presse, les éditeurs de publication de presse ou de services de presse en ligne, les éditeurs de services de communication audiovisuelle, les annonceurs, les organisations représentatives des journalistes et toute autre organisation susceptible de contribuer à la lutte contre la diffusion de fausses informations.

 

La fausse information « électorale »

 Afin de lutter contre les fausses nouvelles à caractère politique, a été adoptée la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information.

Cette loi crée :

– Une procédure de référé anti – « fake news » (1)

– Une obligation de transparence à la charge des plateformes en ligne (2)

 

  1. Une procédure de référé

Cette procédure est codifiée à l’article L. 163-2 du Code électoral.

Grâce à cette procédure, un juge des référés peut ordonner la cessation de la diffusion de la fake news.

Plusieurs conditions doivent être réunies :

  • La fausse information doit avoir été diffusée :

–  pendant les trois mois précédant une élection générale

– de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive

– par le biais d’un service de communication au public en ligne,

 

  • Elle doit être relative à :

– des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses

– d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir

 

Le juge des référés peut,

  • À la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir,
  • Et sans préjudice de la réparation du dommage subi,
  • Prescrire aux fournisseurs d’hébergement ou, à défaut, au fournisseur d’accès
  • Toutes mesures proportionnées et nécessaires
  • Pour faire cesser cette diffusion.

Le juge des référés doit se prononcer dans un délai de 48 heures à compter de la saisine.

En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai de 45 h à compter de la saisine.

Les actions fondées sur cet article doivent exclusivement être portées devant les juridictions parisiennes.

Compte tenu des conséquences d’une procédure pouvant avoir pour effet de faire cesser la diffusion de certains contenus d’information, dans sa décision du 20 décembre 2018, le conseil constitutionnel a précisé que :

« Les allégations ou imputations mises en cause ne sauraient, sans que soit méconnue la liberté d’expression et de communication, justifier une telle mesure que si leur caractère inexact ou trompeur est manifeste. Il en est de même pour le risque d’altération de la sincérité du scrutin, qui doit également être manifeste. »

Une première affaire a eu lieu ayant conduit à l’ordonnance du 17 mai 2019 rendue en référé par le Tribunal de Grande Instance de PARIS.

Dans cette affaire, deux députés agissaient à l’encontre de TWITTER contre la diffusion d’un de M. Castaner avant les élections européennes.

Le Tribunal rejette cette demande en raison de l’absence :

– d’allégation manifestement inexacte ou trompeuse

Si le message rédigé par M. Castaner apparaît exagéré en ce qu’il évoque le terme d’attaque et de blessures, cette exagération porte sur des faits qui, eux, sont réels. L’information n’étant pas dénuée de tout lien avec des faits réels, la condition selon laquelle l’allégation doit être manifestement inexacte ou trompeuse n’est pas remplie.

– Du caractère artificiel ou automatisé de la diffusion

Selon les travaux parlementaires, et notamment l’exposé des motifs de la proposition de loi, cette condition renvoie aux contenus sponsorisés – par le paiement de tiers chargés d’étendre artificiellement la diffusion de l’information – et aux contenus promus au moyen d’outils automatisés – par le recours à des “bots”.

–  Du caractère manifeste du risque d’altération de la sincérité du scrutin

Castaner avait lui-même en effet reconnu que le terme d’attaque n’était pas approprié, et ce tweet a été immédiatement contesté : de nombreux articles de presse écrite ou Internet ont indiqué que les faits ne se sont pas déroulés de la manière dont l’exposait Monsieur Castaner. Chaque électeur a ainsi pu se faire une opinion éclairée, sans risque manifeste de manipulation.

 

2. Une obligation de transparence à la charge des opérateurs de plateforme en ligne 

La loi du 22 décembre 2018 a créé une obligation de transparence à la charge des opérateurs de plateforme en ligne.

Durant les campagnes électorales, les plateformes doivent rendre publique l’identité des annonceurs de fausses nouvelles, et limiter les montants consacrés à ces contenus.

Actuellement, en leur qualité d’hébergeur, les plateformes ont l’obligation de détenir et conserver les données qui permettent l’identification des personnes qui utilisent leurs services pour stocker, et mettre en ligne tout type de contenu, en ce y compris des messages à caractère publicitaire (article 6 de la LCEN).

Les hébergeurs doivent également mettre à la disposition de ces personnes les moyens de s’identifier notamment au travers de formulaires.

Ces données d’identification peuvent être communiquées mais uniquement sur autorisation judiciaire.

L’idée de la loi de 2018 est donc d’aller au-delà de ces simples données, et de rendre public l’identité des annonceurs.

Cette obligation pèse sur les opérateurs :

– pendant les trois mois précédant les élections

– dont l’activité dépasse 5 millions de visiteurs uniques par mois, sur le territoire français calculé sur la base de la dernière année civile.

Ces plateformes doivent, au regard de l’intérêt général attaché à l’information éclairée des citoyens en période électorale et à la sincérité du scrutin :

1° Fournir à l’utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l’identité de l’annonceur, qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;

2° Fournir à l’utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l’utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d’un contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;

3° Rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d’information lorsque leur montant est supérieur à 100 euros hors taxe

Ces informations doivent être précisées à proximité de chaque contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général.

Elles peuvent également être précisées dans une rubrique directement et aisément accessible à partir de chaque contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général.

Ces informations sont agrégées au sein d’un registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour au cours de la période précédant les élections.

Le registre d’informations doit être directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site qui comportent des contenus d’information tels que ceux susvisés, ou qui donnent accès à de tels contenus.

 

 

Le délit de fausse nouvelle « électorale » 

 

L’article L. 97 du Code électoral prévoit :

« Ceux qui, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter, seront punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. »

Cependant cet article lui-même fait référence à la notion de « fausse nouvelle », dont nous avons vu que l’interprétation par la jurisprudence était inadaptée au phénomène des fake news.

L’article L. 97 exige en outre la preuve d’un impact de la fausse nouvelle sur les suffrages, ce qui s’avère difficile à prouver en pratique lorsqu’il n’existe pas un grand écart de voix.
Cet article n’apparaît donc pas davantage adapté.

 

 

Le délit de fausse nouvelle : trouble à la paix publique

 

L’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse réprime la diffusion de fausses nouvelles en ces termes :

La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros.

La « fausse nouvelle » est interprétée restrictivement par la jurisprudence comme l’annonce d’un évènement arrivé récemment, ce qui exclut les informations déjà divulguées, et donc leur propagation.

Cet article exige ensuite la preuve d’un « trouble à la paix publique », ce qui d’après la jurisprudence, nécessite la preuve d’un désordre, d’une panique, d’une émotion, d’un désarroi collectif.

Il faut également apporter la preuve de la mauvaise foi des auteurs de la publication, laquelle implique leur connaissance de la fausseté des faits révélés. Or les fake news sont souvent relayées par des personnes qui n’ont même pas conscience de leur fausseté.

Le délit de fausse nouvelle ne peut en outre être invoqué qu’à l’initiative du ministère public. Les hommes politiques, et les partis eux-mêmes ne peuvent donc agir.
Ce délit enfin est soumis aux conditions procédurales de la loi de 1881, laquelle est particulièrement inadaptée à l’internet.

  

Le délit de fausse information : « alerte à la bombe »

Selon l’article 322-14 du Code pénal :

Le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l’intervention inutile des secours.

 

 

La diffamation

 L’article 29 de la loi de 1881 réprime l’infraction de diffamation.

Cet article sanctionne l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne.

Souvent dans les fake news, les faits révélés portent atteinte à l’honneur, et à la considération d’une ou plusieurs personnes.

L’auteur des propos peut se défendre par la preuve de la vérité des faits ou sa bonne foi.

Le Président Macron a lui-même qualifié de « contre-vérités infamantes » les Fake News dont il avait fait l’objet.

Mais tel n’est pas toujours le cas : la fausse nouvelle peut ne pas être diffamante.

Pour approfondir, cf. l’article sur la diffamation.

  

Le dénigrement

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits ou services fournis par un tiers dans le but de lui porter préjudice.  Il est sanctionné sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Le dénigrement peut être le fait d’un professionnel à l’égard des produits d’un autre professionnel, ou d’un consommateur.

 A titre d’exemple, ont été considérés comme dénigrants :

– L’affirmation suivant laquelle le gérant d’une entreprise établirait de « faux certificats » et de « faux rapports » (Cass, 1re, 5 déc. 2006 n°0517710)

– La divulgation d’un test comparatif par l’UFC « Que Choisir » sur de « vrai-faux jus d’orange » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 30 mai 2006, 05-16.437)

Cf. l’article complet sur le dénigrement

 

Les faux avis de consommateurs

 

Les faux avis de consommateurs peuvent être condamnés sur le fondement du dénigrement.

Si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute, il devient fautif lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services et prestations critiqués caractérisant ainsi le dénigrement. (Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, 18 juin 2019, n° 18/02791 : faux avis de consommateur)

 

La publicité trompeuse

Le Code de la consommation distingue deux sortes de pratiques commerciales trompeuses : les actions trompeuses et les omissions trompeuses.

Dans les deux cas, le consommateur est incité à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise en d’autres circonstances.

Sont condamnables les pratiques mises en œuvre par les professionnels, à destination des consommateurs, des professionnels ou des non-professionnels.

 

 

Arnaud DIMEGLIO,

Avocat à la Cour, Docteur en droit, Titulaire des mentions de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit de l’informatique et de la communication.
Bureau principal : 8 place St. Côme, 34000 Montpellier,

Bureau secondaire : 10 avenue de l’Opéra, 75001 Paris,
Tel : 04.99.61.04.69, Fax : 04.99.61.08.26

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