Harcèlement

Sur le plan juridique, il existe 4 formes de harcèlement :

– Le harcèlement moral

– Le harcèlement au sein du couple

– Le harcèlement au travail

– Le harcèlement sexuel

 

HARCELEMENT MORAL

Le harcèlement moral est prévu par l’article 222-33-2-2 du Code pénal :

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. ( …)

 

Les éléments constitutifs

Plusieurs éléments sont nécessaires pour caractériser le harcèlement au sens de cet article :

  • Des propos ou comportements répétés
  • Ayant pour objectif ou effet de dégrader les conditions de vie de la victime
  • L’altération de la santé physique ou mentale de la victime

L’article précise que constitue également du harcèlement le fait que ces propos ou comportements :

  • Soient dirigés contre une même victime
  • Par plusieurs personnes qui se sont entendues à ces fins, ou sur l’instigation de l’une d’entre elles
  • Même si ces personnes ont agi qu’une fois

Mais aussi, le fait que ces propos ou comportements :

  • Soient dirigés contre une même victime
  • De manière successive
  • Par plusieurs personnes

 

Quelle est la peine applicable ?

Le harcèlement moral général est sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 15 000€ et par 1 an d’emprisonnement.

En revanche des circonstances aggravantes sont prévues et font passer la peine à 30 000€ d’amende et 2 ans d’emprisonnement.

Ces circonstances sont :

1° Lorsque les propos ou comportements ont causé une ITT supérieure à huit jours ;

2° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne vulnérable ;

4° Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ;

5° Lorsqu’un mineur était présent et y a assisté.

Mais la sanction est une nouvelle fois aggravée lorsque 2 des 5 circonstances mentionnées ci-dessus sont réunies.

Elle se porte à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.

 

Harcèlement condamné :

 

– Publication de 34 articles prétendant qu’un couple était dangereux, et faisait l’objet de recherches. Ces articles portaient manifestement atteinte à leur réputation. Les victimes ont produit à l’audience un certificat médical prouvant l’altération de leur santé.

L’auteur du harcèlement est condamné sous astreinte à retirer les articles litigieux, et à payer 2000 euros d’article 700 (Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé du 29 mars 2016)

 

– Envoi par l’auteur d’un livre de plus de 500 emails contenant des propos malveillants et insultants à l’encontre d’une professeure qui l’avait critiquée sur son site internet. L’auteur du livre a également adressé des courriers et des emails au lycée de la professeure pour salir sa réputation. Elle a, par ailleurs, usurpé son identité pour lui faire tenir des propos antisémites dans de faux messages. Toujours sous cette fausse identité, elle a publié des messages haineux sur des sites. La victime a produit un certificat médical faisant état d’un syndrome dépressif consécutif aux faits dénoncés. L’auteur des messages a été condamné à un an de prison ferme, à 8000 euros de dommages et intérêts, et 2500 euros au titre de l ‘article 475-1 du code de procédure pénale. (TGI de Paris, 14ème ch. corr., jugement correctionnel du 27 juin 2019)

 

– Suite à son licenciement, un salarié agit en justice pour contester le bien-fondé de celui-ci. La société l’ayant licencié publie sur son site pas moins de 17 articles relatifs au litige prud’homal.

Le salarié est désigné dans ces articles par l’employeur comme « coupable de faute grave », alors même que ce vocabulaire est propre au procès pénal, « n’acceptant pas la décision de justice », qui « souhaite « faire croire aux juges que nous sommes des harceleurs ».

Le salarié considère que la relation répétée, sur les sites internet et un blog de son ex-employeur et d’une autre société du groupe, du procès prud’homal qui les a opposés, dans le seul but d’en augmenter le référencement et dans des termes dénigrants et humiliants, caractérise un harcèlement moral.

Selon la Cour d’appel, la publication d’une décision de justice sur un site privé est constitutive d’un abus de droit, et de harcèlement moral. Le nombre des publications caractérise bien des faits répétés condition du harcèlement moral, et les agissements de la société ont bien eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie du demandeur se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale comme le démontre le certificat médical qu’il produit, attestant d’un syndrome anxiodépressif sévère. (CA Paris, Pôle 1, chambre 3, 11 Octobre 2017 – n° 17/02616)

 

Harcèlement rejeté :

 – Doit être cassé l’arrêt qui reconnaît une personne coupable de harcèlement moral « sans mieux caractériser en quoi les actes reprochés au prévenu ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisant par une atteinte à sa santé physique ou mentale » Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 Mai 2018 – n° 17-83.623

– Publication par un journaliste de 18 articles très négatifs à l’encontre de son ancien éditeur.

Le tribunal considère que l’action tend en réalité « à faire sanctionner les abus de la liberté d’expression dont Monsieur Y. se serait rendu coupable, ainsi que le prouve l’ensemble de l’assignation, qui s’attache à dénoncer les appréciations critiques portées par l’auteur des propos à son encontre -à titre d’exemples, non exhaustifs ».

A ce titre « Monsieur X. ne pouvant contourner le régime instauré par la loi du 29 juillet 1881 pour faire sanctionner les écrits publiés sur le blog de Monsieur Y., aussi virulents et désagréables que soient les propos incriminés à son encontre » (TGI de Paris, ordonnance de référé du 19 juillet 2017).

 

 

HARCELEMENT AU SEIN DU COUPLE

L’article 222-33-2-1 du Code pénal réprime le harcèlement au sein du couple :

« Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail et de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ou ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté.

Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité. 

Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. »

 

Qui est l’harceleur ?

Le conjoint ou ex-conjoint, le partenaire lié par un PACS ou l’ex-partenaire lié par un PACS, le concubin ou l’ex-concubin.

Quels sont les éléments constitutifs du délit de harcèlement au sein du couple ?

  • Des propos ou comportements répétés
  • Ayant pour objectif ou pour effet de dégrader les conditions de vies de la victime
  • L’altération de la santé mentale ou physique de la victime

Quelle est la peine qui sanctionne le harcèlement au sein du couple ?

Les sanctions du harcèlement diffèrent selon la gravité de l’impact sur la victime :

  • Si le harcèlement n’a pas causé d’incapacité totale de travail (ITT) ou une ITT inférieure ou égale à 8 jours, il est sanctionné de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.
  • Si le harcèlement a causé une ITT supérieur à 8 jours ou si un mineur était présent lors des faits et y a assisté, il est sanctionné de 5 ans de prison et 75 000€ d’amende.

 

 

HARCELEMENT AU TRAVAIL

 

Le harcèlement au travail est une des formes de harcèlement moral.

L’article 222-33-2 du Code pénal en donne la définition suivante :

« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».

 

L’harceleur :

Ce texte incrimine le harcèlement dans les relations de travail, dans la fonction privée ou publique.

L’harceleur peut être toute personne qui intervient dans le cadre de l’entreprise ou lors de la relation de travail : la caractérisation d’un lien hiérarchique ou d’autorité n’est pas nécessaire.

Un employé peut donc très bien être l’auteur de harcèlement moral sur un supérieur ou un collègue.

Il en est de même pour un consultant en mission dans l’entreprise, un intérimaire etc…

 

Quels propos ou comportements sont prohibés ?

Les propos ou comportement doivent être répétés.

Ils peuvent ensuite prendre diverses formes :

 

– insultes, menaces ou critiques adressées à l’endroit du travailleur, voire brimade.

– Sanctions ou menaces de sanctions injustifiées ou non suivies d’effet,

– ingérences dans la vie personnelle du salarié,

– surveillance tatillonne,

– refus d’aménager les horaires du salarié d’une façon qui lui convienne,

– affectation du salarié à des tâches ne correspondant pas à ses qualifications,

 

En revanche, si le comportement du prévenu est justifié par son exercice légitime et normal de son pouvoir de direction et de contrôle, le prévenu ne pourra être reconnu coupable de harcèlement. (Cass. crim., 28 nov. 2017, n° 16-84.435 : JurisData n° 2017-024175)

 

Quelles conséquences doivent avoir ces propos ou comportement ?

Les propos ou comportement à l’origine doivent dégrader les conditions de travail de la victime (conditions humaines, relationnelles ou matérielles), être susceptibles de « porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Ainsi, la simple possibilité de porter de telles atteintes suffit à caractériser le délit de harcèlement moral. (Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 10-82-266, Cass. crim., 14 janv. 2014, n° 11-81.362, Cass. crim., 23 janv. 2018, n° 16-87.709)

Il faut en revanche que soit caractérisé une atteinte (au moins potentielle) aux droits, mais également soit à la dignité, soit à la santé physique ou mentale, soit à l’avenir professionnel de la victime.

 

Quelle est la sanction applicable ?

Le harcèlement est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende par le Code pénal.

A ces sanctions pénales peuvent également être appliquées dans sanctions civiles et disciplinaires.

A ce sujet, il convient de se référer aux articles L. 1151-1 et s. du code du travail.

 

Affaire

Dans une affaire, un employeur est condamné pour avoir eu envers une salariée une attitude méprisante et tenu des propos violents et vexatoires à son encontre, en lui reprochant le bien fondé de ses arrêts de travail et en lui retirant des responsabilités qu’elle a menées pendant plusieurs mois au profit d’une autre salarié, occupant le même poste.

La salariée rapporte qu’il l’a « traitait mal, ne lui adressait plus la parole, la dénigrait devant les clients, lui faisait des reproches injustifiés ».

De nombreux témoignages confirment le comportement peu diplomate et agressif du prévenu.

« Ces témoignages précis et circonstanciés rapportent des faits répétés de nature à attenter à la dignité de Mme Ρ, à dégrader ses conditions de travail et à altérer sa santé. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions. »

Sanction : 1500e d’amende (Cour d’appel, Grenoble, 1re chambre des appels correctionnels, 27 Avril 2015 – n° 14/00816)

 

 

HARCELEMENT SEXUEL

Le harcèlement sexuel est défini à l’article 222-33 du Code pénal.

Il existe deux formes de harcèlement sexuel : le harcèlement répété, et le harcèlement « même non répété ».

 

Le harcèlement « répété »

L’article 222-33 du Code pénal donne la définition du harcèlement sexuel :

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. (…)

Plusieurs éléments sont nécessaires pour caractériser le harcèlement sexuel :

  • Le non-consentement de la victime
  • La répétition de propos ou comportements à connotation sexuelle : avances de nature sexuelle, blagues douteuses, caresses etc…
  • Une atteinte à la dignité, ou une situation intimidante, hostile ou offensante

L’article 222-33 du Code pénal ajoute que la répétition du harcèlement peut être le fait de plusieurs personnes à l’encontre d’une même victime.

 

Le harcèlement « même non répété »

Selon l’article 222-33 II du Code pénal :

Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. (…)

Pour caractériser ce type de harcèlement sexuel, il faut que soient constitués :

  • Un acte, unique ou non, de pression grave
  • Dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle
  • Au profit de l’auteur du harcèlement ou d’un tiers

 

Quelle est la peine ?

Le harcèlement est puni de 2 ans d’emprisonnement, et de 30 000 euros d’amende.

Il existe des circonstances aggravantes alourdissant la peine à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende :

  • Si le harcèlement est commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique
  • Lorsque l’harceleur abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, ou est un ascendant ou tout autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
  • Lorsque la victime est un mineur de quinze ans, ou une personne vulnérable
  • Lorsque plusieurs personnes harcèlent ou son complice
  • Si le harcèlement se fait en présence d’un mineur qui y a assisté

Exemples :

  • Le harcèlement sexuel résultant de mails avec du contenu explicite provenant d’un collègue de travail: En l’espèce, une salariée recevait des mails de la part d’un collègue de travail avec un contenu sexuel tel que l’envoie de photos pornographiques. (Cour d’appel, Amiens, 5e chambre sociale, 20 Décembre 2018 – n° 16/01448)
  • Le harcèlement sexuel résultant des propos ou comportement à connotation sexuelle au point d’intimider voire gêner des collègues de travail ( Cass. crim., 18 nov. 2015, n° 14-85.591).

 

Le harcèlement sexiste 

Le harcèlement sexiste peut se traduire par des remarques et agissements répétés, qui sont en lien direct avec le genre de la victime : il peut s’agir de comportements misogynes.

Exemples : raconter des blagues sexistes, juger de la féminité/virilité d’une personne.

Cela caractérise un harcèlement moral, qui est principalement condamnable par le code du travail, à l’article L. 1142-2-1 :

« Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

La notion ne se retrouve pas dans les autres textes, pourtant ce genre d’agissements ne se limite pas au contexte du travail, et peut même se retrouver sur Internet.

 

 

 

Arnaud DIMEGLIO

Avocat à la Cour, Docteur en droit, Titulaire des mentions de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit de l’informatique et de la communication.
Bureau principal : 8 place St. Côme, 34000 Montpellier,

Bureau secondaire : 10 avenue de l’Opéra, 75001 Paris,
Tel : 04.99.61.04.69, Fax : 04.99.61.08.26

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