Le projet de Loi visant à Sécuriser et à Réguler l’Espace Numérique (SREN) est en cours d’adoption par le Parlement.
Adopté par le Sénat, il vient d’être adopté le 17 octobre dernier par l’Assemblée nationale, et il doit désormais être examiné par la commission mixte paritaire.
De nombreux articles très intéressants figurent dans ce projet, et vont permettre de mieux protéger :
- Les mineurs contre la pornographie en ligne et
Mieux lutter contre :
- Les contenus à caractère pédopornographique
- Les deep fake
- Les jeux à objets numériques monétisables
Mieux protéger notre souveraineté numérique par rapport notamment aux données stratégiques et sensibles qui sont hébergés dans le cloud.
Il permet également de « transposer » le règlement DSA et DMA même si ces règlements contiennent des risques comme nous l’avons vu dans cet article : https://dimeglio-avocat.com/2023/09/04/reglement-dsa-quels-benefices-risques/
Mais cette loi contient aussi un grand vide en matière de sécurité par rapport à la levée de l’anonymat.
Comme je l’ai déjà expliqué dans d’autres articles, depuis une loi du 30 juillet 2021, il n’est plus possible d’identifier des personnes qui commettent des infractions civiles.
Depuis une loi du 22 mars 2022, il n’est plus en outre possible d’obtenir l’adresse IP des personnes qui commettent des infractions pénales lorsqu’elles ne sont pas réprimées d’une peine supérieure à un an de prison.
Cela est devenu ainsi quasiment impossible d’identifier des personnes qui diffusent de manière anonyme des contenus à caractère dénigrant, diffamatoire, injurieux lesquels ne sont pas réprimés par une peine supérieure à un an de prison mais uniquement de sanction civile ou d’une peine d’amende de 12 000 €.
Cela crée évidemment une impunité pour ces personnes, renforce la zone de non-droit de l’Internet, et par conséquence la violence sur des réseaux sociaux, et donc cette insécurité que la loi pourtant essaye de juguler.
Cette dérégulation de l’Internet est notamment liée au lobby d’association à tendance anarchiste, libertaire, et aux fournisseurs d’accès, aux hébergeurs, aux plateformes, aux moteurs de recherche, qui détiennent ces données, et qui diffusent ces contenus qui n’ont pas intérêt à les communiquer et à supprimer de contenu même si ceux-ci présentent un caractère violent.
Mais il faut bien comprendre, que la protection de la réputation, de l’honneur et de la considération des personnes est un des piliers de notre démocratie.
Bien sûr cela peu paraître dérisoire de vouloir se battre pour des questions de réputation, ou d’honneur avec les actes bien plus graves perpétrés en ce moment.
Mais justement, il ne faut pas tolérer la moindre violence.
Comme le disait Jean Giraudoux, « Les nations, comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses. »
Ce n’est pas parce que de grandes violences sévissent comme le terrorisme, la guerre qu’il faut cesser de lutter contre les plus petites infractions.
En dérégulant l’internet, en créant des zones de non droit au prétexte qu’il y a des infractions bien plus graves contre lesquelles il faut lutter, ou au prétexte que nous n’en aurions pas les moyens, on cède justement au terrorisme, à la peur, à l’idéologie.
Si on tolère la violence verbale, il ne faut pas s’étonner ensuite que prolifère le racisme, la haine en ligne, et la violence physique.
Le respect de la personne est avec la liberté d’expression, la base de notre démocratie.
Liberté d’expression et respect de la personne sont les deux faces d’une même pièce.
Sans respect de la personne, il n’y a pas de liberté d’expression, on ne peut pas débattre sereinement et faire progresser les idées.
C’est pour cela qu’il faut encourager le législateur à adopter dans la loi une disposition qui permettrait à nouveau l’identification de toutes personnes commettant un délit sur Internet.
Il ne doit pas y avoir de zones de non-droit sur Internet.
Il y a eu des débats notamment en commission des lois et à l’Assemblée nationale sur la question de l’identité numérique et le projet de loi prévoit l’objectif pour l’État d’offrir en 2027 à tous les Français la possibilité de créer une identité numérique.
Mais on ne pourra pas obliger les gens à s’identifier numériquement sur Internet pour s’exprimer.
On a besoin de garder la possibilité de s’exprimer anonymement, mais il faut que l’on puisse aussi identifier ceux qui ne respectent pas la loi.
Je ne pense pas qu’il y ait une impossibilité juridique à changer la loi, du fait des interprétations de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Ceci est un prétexte.
Il n’y a pas de problème juridique, il y a un manque de volonté politique.
J’invite par conséquent le législateur à remédier à ce vide juridique.
Comme disait Albert Camus, « Je me révolte donc nous sommes ».
Notes :
Projet de loi SREN : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/alt/DLR5L16N47884
Lien vers la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=jjl5dGVIzs8
Arnaud DIMEGLIO,
Avocat à la Cour, Docteur en droit, Titulaire des mentions de spécialisation en droit du numérique, de la communication, et de la propriété intellectuelle.
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