Protection des mineurs sur Internet

  • 68% des 8-18 ans détiennent au moins un compte sur les réseaux sociaux comme : Instagram, Snapchat, TikTok etc…
  • 20% d’entre eux déclarent avoir déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement. Ces expériences sont rencontrées dans la majorité des cas par les jeunes filles (51%), de 13 ans en moyenne.
  • 30 % des jeunes interrogés déclarent avoir été choqués par des contenus rencontrés involontairement sur Internet ou les réseaux sociaux

Le domaine de la liberté d’expression pour les mineurs :

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen prévoit que :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». (Article 1 de la DDHC)

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » (Article 11 de la DDHC)

La convention européenne des droits de l’enfance reconnait que:

« L’enfant a droit à la liberté d’expression » ce qui signifie que les enfants ont le droit de s’exprimer « sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant » (Article 13 convention européenne des droits de l’enfance).

La liberté d’expression comporte des limites dans les cas déterminés par la loi.

La liberté d’expression s’arrête là où commence le respect de l’autre, et notamment de sa réputation.

 

Quelles sont les limites à la liberté d’expression ?

Les limites à la liberté d’expression sont nombreuses, voici quelques exemples :

  • La diffamation
  • L’injure
  • Le harcèlement scolaire
  • Diffusion de contenu à caractère violent
  • L’atteinte à la vie privée
  • Menace
  • La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence
  • L’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité
  • Provocation au suicide

 

La diffamation :

Il s’agit de « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne » (Article 29 alinéa 1 de la loi de 1881)

Exemple : « Cette personne est un escroc parce qu’il s’est fait remettre de l’argent sans contrepartie, en se faisant passer pour un faux policier ».

De ce fait, il y a bien un fait qui est discutable auquel il est possible d’apporter la preuve ou non.

 

L’injure

C’est le fait d’exprimer avec « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »  (Article 29 alinéa 2 de la loi de 1881)

Exemple : « faux cul » « pauvre type » « salaud » etc…

 

Le harcèlement scolaire

De façon générale, c’est le fait d’avoir un comportement ou des propos répétés qui portent atteinte à la santé mentale ou physique d’une personne. Et ce harcèlement est également réprimé lorsqu’il se produit dans le cadre de l’école.

Désormais, le harcèlement scolaire est puni par la loi. Il s’agit du texte de loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 qui a créé le délit de harcèlement scolaire dans le Code pénal français.

L’article L111-6 du code de l’éducation prévoit que : « Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs du délit de harcèlement scolaire prévu à l’article 222-33-2-3 du code pénal. »

Le code pénal prévoit, en son article 222-33-2-3, que « Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement ».

Le harcèlement scolaire est puni de « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail. Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. » (Article 222-33-2-2 du code pénal).

 

L’atteinte à la vie privée

L’article 9 du Code civil prévoit que « Chacun a droit au respect de sa vie privée. ». De plus, l’atteinte à la vie privée est prévue à l’article 226-1 du code pénal.

À titre d’exemples, font partie de la vie privée :

  • Les paroles prononcées en privé ;
  • L’image d’une personne, les photos la représentant ;
  • Les informations concernant le domicile de la personne, les lieux qu’elle fréquente ;
  • Les informations concernant l’état de santé de la personne, ses maladies ;
  • Les courriers et courriels privés : la violation du secret des correspondances
  • La vie amoureuse de la personne, sa vie familiale ;
  • Les convictions religieuses, philosophiques, politiques

Tout ce qui touche à la vie privée de la personne ne peut pas être divulgué sans son consentement.

 

Protection des données personnelles :

Il est interdit de diffuser des données personnelles, c’est-à-dire toute information relative à une personne physique, sans respecter le droit des données personnelles.

À titre d’exemple, font partie des données personnelles :le nom, prénom, âge, photo, adresse, religion, origine ethnique, état de santé, vie sexuelle etc…

Il est interdit de diffuser les données d’une personne sans qu’on respecte un minimum de principes prévus dans les textes.

En effet, la protection contre le traitement numérique des données personnelles prévoit qu’il faut :

– Respecter des principes : licéité, transparence, minimisation etc…

– Prévoir une base légale au traitement des données : consentement de la personne et des parents s’il s’agit d’un mineur ou un motif légitime pour utiliser les données etc…

La personne elle-même, dont les données sont collectées, a des droits : droit à l’information, à l’opposition, à l’effacement etc…

 

Âge légal pour utiliser et créer un compte :

82% des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans leurs parents et 60% des enfants de – de 13 ans possèdent un compte sur un réseau social avec une inscription en moyenne vers 8 ans et demi.

Comme les données personnelles des mineurs sont protégées, le Règlement Général pour la Protection des Données personnelles (RGPD) a prévu qu’il y avait une majorité numérique pour les mineurs. C’est-à-dire qu’il y a un âge légal pour utiliser et créer un compte sur internet.

 

Les mineurs peuvent-ils se créer un compte ?

– À partir de 15 ans : âge de la majorité numérique fixée en France, le mineur peut consentir librement (ou non) au traitement de ses données personnelles.

– Entre 13 et 15 ans : les sites doivent obtenir l’autorisation des parents.

– Pour les enfants de moins de 13 ans : ils n’ont pas le droit de créer un compte en ligne sans le consentement des parents. Cette interdiction résulte en réalité du Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA), qui prévoit aux Etats Unis une majorité numérique fixée à 13 ans.

Chaque site ayant ses propres conditions d’âge légal, il faut vérifier les conditions de chaque site : WhatsApp, Tiktok, Youtube, Snapchat, Instagram etc…

 

Menace :

La menace c’est « tout acte d’intimidation qui inspire la crainte d’un mal » (Crim.11 juin 1937).

L’article 222-17 du code pénal prévoit la sanction de cette dernière, en effet : « La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende lorsqu’elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet. »

De plus, l’article 222-18 du code pénal prévoit que : « La menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende, lorsqu’elle est faite avec l’ordre de remplir une condition. »

Exemple : « Si tu continues, je vais te taper».

 

La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence est également une infraction, ce qui signifie que l’on ne peut pas pousser par son attitude des tiers à maltraiter certaines personnes en raison de leur origine, de leur religion, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, c’est une infraction.

 Il n’est pas possible de dire par exemple « toutes les personnes de cette religion / couleur race/ sont des voleurs ou sont des voyous » cela serait une provocation à la haine à la discrimination, cela pourrait également être considéré comme du racisme.

 

L’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité

Autre interdiction constituant une limite à la liberté d’expression : L’apologie des crimes de guerre, et des crimes contre l’humanité. Il s’agit d’une infraction prévue dans la loi du 29 juillet 1881 à l’article 24, alinéa 5.

L’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité est présentée comme la volonté de justifier un crime, à ne pas confondre avec la provocation, c’est-à-dire l’incitation, à commettre un crime.

Autrement dit, c’est le fait de dire du bien d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité.

Il s’agit par exemple d’une personne qui dirait du bien d’Hitler alors qu’il est à l’origine de crimes contre l’humanité, elle en ferait donc l’apologie.

 

Autres infractions :

Il existe d’autres infractions à la liberté d’expression, comme :

  • Le Happy Slapping : le fait de filmer et diffuser une scène de violence
  • Usurpation d’identité :
    • – Création d’un groupe, d’une page ou d’un faux profil à l’encontre de la personne.
    • – Commande de biens/services pour la victime en utilisant ses informations personnelles.
  • Messages menaçants, insulte via messagerie privée : WhatsAPP, Facebook, Snapchat ou autre messagerie privée.
  • Le chantage : menacer de diffuser des contenus, nuisant à la réputation d’une personne avec pour contrepartie par exemple une demande de rançon.
  • La pédophilie en ligne : diffusion, téléchargement, échange d’image à caractère pornographique représentant un mineur (notamment)
  • Cyberviolence :

– Diffusion d’un message à caractère violent susceptible d’être vu par un mineur,

– Intimidation, peur, moquerie, brimade, discrimination, violence verbale, exclusion du groupe

 

Provocation au suicide :

La provocation au suicide est également une forme de limitation à la liberté d’expression :

Le fait de provoquer quelqu’un au suicide est une infraction, réprimée pénalement à l’article 223-13 du code pénal.

La provocation doit pousser à l’état suicidaire ou au passage à l’acte. En effet, la provocation doit être suivie d’effet, que ce soit par un suicide ou une tentative de suicide. Ce délit suppose donc « un résultat ». Il suppose également l’intention. L’acte doit être volontaire et accompli en connaissance de cause.

Attention : même non suivie d’effet, la provocation au suicide pourrait constituer l’infraction pénale plus générale de « violence ».

 

L’affaire Lucas

Lucas, 13 ans s’est donné la mort à la suite d’un harcèlement scolaire en raison de son orientation sexuelle.

Une première audience, dite de « culpabilité », se tiendra au printemps.

 

L’affaire Mila

Dans cette affaire, « Mila » une jeune femme âgée de 16 ans au moment des faits, a été victime de cyberharcèlement et des menaces de mort, sur son compte Instagram, pour avoir critiqué une religion : l’islam.

Le tribunal correctionnel a considéré que des propos injurieux ou menaçant constituaient nécessairement une dégradation de ses conditions de vie.

Mila a obtenu la condamnation pour harcèlement de plusieurs auteurs de messages haineux à son encontre, qui ne se seraient pas concertés mais « ne pouvaient ignorer que leurs écrits parviendraient à destination de la personne visée, même s’ils ne lui étaient pas directement envoyés, ne serait-ce que par la voie de la rediffusion ».

 

La responsabilité en cas d’infraction du mineur

En cas d’infraction du mineur, la question se pose de savoir qui sera responsable.

Selon l’article 1242 du code civil, les parents sont responsables pour les faits commis par leurs enfants : civilement, c’est-à-dire financièrement, ils devront réparer le préjudice subi par les victimes et commis par leur enfant mineur.

Les mineurs quant à eux peuvent être pénalement responsables s’ils sont capables de discernement.

C’est l’article 122-8 du Code pénal qui envisage la minorité au titre des causes de non-imputabilité et pose comme critère la condition de discernement.

Dans sa version actuelle, il dispose ainsi :

« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables… »

L’article L11-1 du code de la justice pénal des mineurs, dispose quant à lui que le mineur est présumé être capable de discernement dès l’âge de 13 ans.

Cet article présume qu’un mineur de plus de 13 ans est capable de discernement. Il n’empêche pas que les mineurs de moins de 13 ans puissent être considérés comme capables de discernement.

 

Quelles sont les sanctions possibles pour le mineur ?

La responsabilité d’un mineur est atténuée par rapport à celle d’un majeur : il s’agit de l’excuse de minorité.

Mineur âgé de moins de 13 ans peuvent faire l’objet de :

– mesure éducative judiciaire Ex : l’interdiction de se rendre dans certains lieux, de rentrer en contact avec les victimes, ou d’un couvre-feu, la confiscation de l’objet qui a été utilisé pour commettre l’infraction, de suivre un stage de formation civique.

– ou d’un avertissement judiciaire :  Ex : Réprimande ou avertissement solennel adressé par le Juge à l’enfant mineur avec remise à parent ou à son responsable légal.

 

Pour le mineur âgé de plus de 13 ans :

A contrario, les mineurs âgés de plus de 13 ans, de par leur capacité de discernement, ils peuvent faire l’objet de peine plus lourdes.

En effet, ils peuvent se retrouver devant le tribunal pour enfants ou en cas de crime devant la cour d’assise des mineurs, qui peuvent prononcer des peines restrictives de liberté à l’encontre du mineur âgé d’au moins 13 ans : travail d’intérêt général, sursis simple, sursis probatoire, suivi socio-judiciaire et surveillance judiciaire.

Les juridictions peuvent également prononcer une peine d’amende ou une peine privative de liberté (emprisonnement, détention à domicile sous surveillance électronique) laquelle ne peut pas être supérieure à la moitié de la peine encourue par les majeurs.

Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, la peine prononcée à l’égard du mineur ne peut être supérieure à 20 ans de réclusion criminelle.

 

Que faire si vous êtes victime, témoin ou auteur de cyberviolence ? 

Il faut en parler à sa famille, à un ami, à un adulte de l’établissement scolaire, à la police ou à un avocat.

Il est également possible de contacter le 3018 : accessible 7J/7, de 9h à 23h

 

Liens :

Vidéo Youtube « Protection des mineurs sur Internet » : https://www.youtube.com/watch?v=8YQ2HofGr_8

Sur la liberté d’expression : https://dimeglio-avocat.com/liberte-expression/

Sur la diffamation : https://dimeglio-avocat.com/diffamation/

 

 

Arnaud DIMEGLIO,

Avocat à la Cour, Docteur en droit, Titulaire des mentions de spécialisation en droit du numérique, de la communication, et de la propriété intellectuelle. Bureau principal : 8 place St. Côme, 34000 Montpellier, Bureau secondaire : 10 avenue de l’Opéra, 75001 Paris, Tel : 04.99.61.04.69, Fax : 04.99.61.08.26 http://www.dimeglio-avocat.com

 

Partager ou imprimer cet article :